Romans

Les enfants sont rois

Quand Delphine de Vigan s’attaque aux phénomènes des enfants youtubers, ça donne Les enfants sont rois ! Un roman d’actualités, et d’utilité publique, qui traitent d’un sujet un peu polémique, mais dont il faut vraiment se soucier !

Une famille anodine ? Non, une famille de nouvelles célébrités

Mélanie est une jeune maman de deux enfants : Sam­my et Kim­my. La petite famille est bien con­nue sur la plate­forme YouTube, puisqu’elle tient une chaîne à forte audi­ence, Hap­py Récré, met­tant en avant la vie quo­ti­di­enne des deux petits, des débal­lages cadeaux, unbox­ings et chal­lenge en tout genre. Tout sem­ble aller pour le mieux, jusqu’au jour où Mélanie déclare l’en­lève­ment de la petite Kim­my, venant boulever­sé le quo­ti­di­en de la maison­née. L’af­faire est prise en charge par Clara, jeune enquêtrice, qui finit par tomber dans le phénomène des enfants exploités sur les réseaux soci­aux, une dimen­sion qui dépasse l’en­ten­de­ment de beau­coup de per­son­nes, même la police.

Enfin, la littérature ose parler de YouTube

Ces dernières années, on voy­ait cer­taines thé­ma­tiques revenir d’un livre à l’autre : la pédophilie, avec Le Con­sen­te­ment de Vanes­sa Springo­ra, ou même l’inces­te avec La Famil­ia Grande de Camille Kouch­n­er. Des sujets sen­si­bles, tabous, sur lesquels il est néces­saire de lut­ter, bien évidem­ment. 
Cepen­dant, il est aus­si impor­tant de par­ler des dérives d’In­ter­net et des réseaux soci­aux, et ça, la lit­téra­ture le fait peu. On en par­le dans les romans jeuness­es, comme si les plus jeunes étaient les seuls à devoir être sen­si­bil­isés et touchés, mais on n’in­ter­pelle pas les adultes. Ici, Del­phine de Vigan prend le prob­lème à pleine main et n’a pas peur d’ou­vrir les yeux aux adultes. Elle n’a pas totale­ment écrit une fic­tion quand elle racon­te le quo­ti­di­en de ces deux enfants, occupés à tourn­er des vidéos (par­fois pen­dant 24h), à faire des nou­velles sto­ries, à faire des place­ments de pro­duits, et à ren­con­tr­er des incon­nus lors de con­ven­tions spé­cial­isées. C’est une réal­ité très pal­pa­ble, et peut-être que vos enfants regar­dent ce con­tenu pour se diver­tir. Pour­tant, beau­coup de choses se cachent der­rière ces vidéos, aux pre­mières vues toutes mignonnes et innocentes.

De bonnes recherches, de bonnes références, pour un bon livre

Del­phine de Vigan n’ou­blie aucun aspect lorsqu’elle par­le de Sam­my et Kim­my. Entre les par­ents qui s’en­gouf­frent dans un flou juridique con­cer­nant le tra­vail des enfants et leurs présences sur les réseaux ou les enfants pas tou­jours con­sen­tants dans la démarche mais qui préfèrent faire plaisir aux par­ents, voire même le risque de voyeurisme et de con­tenu pour pédophiles, toute la procé­dure y passe. 
Les événe­ments et les per­son­nages tien­nent bien du domaine de la fic­tion. Pour­tant, beau­coup de par­al­lèle sont à faire durant la lec­ture. Si vous êtes fam­i­li­er avec le monde de YouTube, vous recon­naitrez alors quelques chaînes et per­son­nal­ités aux détours d’une descrip­tion ou d’un indice. C’est avec un cer­tain amuse­ment que j’ai pu recon­naître tout le paysage du YouTube français au fil des chapitres, que ce soit les autres chaînes d’en­fants, les con­cepts de vidéos, et les chaînes de critiques/dénonciations. Je suis presque cer­taine que l’au­teure a du faire quelques recherch­es sur le sujet, en se bal­adant sur la plate­forme à l’in­star de Clara dans ce roman, qui ava­lent des heures et des heures de con­tenus d’enfants.

Mon petit résumé de début d’ar­ti­cle pour­rait faire penser que le roman pos­sède une intrigue poli­cière à tra­vers cette enquête. Ce n’est pas vrai­ment le cas. Même si on a beau­coup de pas­sage autour de Clara et de son dossier de dis­pari­tion, cela reste en sec­ond plan. La réso­lu­tion de l’af­faire ne sera pas le point d’a­pogée du roman, et le chemin jusqu’à cette petite final­ité servi­ra surtout à com­pren­dre la fameuse chaîne YouTube, l’é­tat d’e­sprit des enfants et le com­porte­ment de Mélanie. On est plus face à une com­préhen­sion psy­chologique et soci­ologique du phénomène. Un par­al­lèle est par­fois fait avec le film The True­man Show, très per­ti­nent dans ce cas-là, devenant un syn­drome pour ces enfants tou­jours filmés, jamais réelle­ment seuls…
La réso­lu­tion de l’en­quête n’est pas la final­ité, car le roman se ter­mine sur un chapitre se déroulant dans le futur. Del­phine de Vigan expose sa vision sur l’évo­lu­tion de la tech­nolo­gie, la place des nou­veaux réseaux soci­aux, et ce que devi­enne les enfants youtu­bers une fois devenus jeunes adultes. Sans rien révéler, c’est un pas­sage assez pes­simiste, très osé par l’au­teure, mais qui est ter­ri­ble­ment crédi­ble à mon sens. Pour moi, on se dirige totale­ment vers ce poten­tiel futur. 

Le bilan

Sans sur­pris­es, j’ai adoré ce roman, déjà de par son sujet, assez unique en lit­téra­ture générale, et très mod­erne. Mais surtout, c’est une vraie vision sur un sujet bien plus vaste que ça. Au final, Mélanie n’est que le résul­tat d’une société, et de son temps. Ce n’est qu’un per­son­nage qui a été bercé par la télé-réal­ité, par des ambi­tions de célébrité et de pail­lettes. Ce roman, c’est une vraie prise de posi­tion par rap­port aux côtés éthiques des réseaux soci­aux et des attentes du pub­lic vis-à-vis des créa­teurs de con­tenus et influenceurs. 

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