
Condition féminine, dénonciation, documentaire et témoignage, le roman de Djaili Amadou Amal a été une découverte intéressante autour des mariages forcés en Afrique sahélienne.
Le roman retrace la vie et le destin de différentes femmes d’une même famille au Cameroun. Chacune d’elle doit suivre scrupuleusement les règles de vie dictées par la religion et un père de famille qui a le droit de choisir les futurs époux de ses filles. Alors que le mariage est préparé comme le plus beau jour de la vie d’une femme par toute la famille, pour les nouvelles mariées, ce sont des rêves qui s’éteignent et de conditions de vie désastreuses qui s’installent. Elles commencent alors une nouvelle vie avec pour seul conseil “Munyal, sois patiente”.
Ceci est une fiction, tirée de faits réels
C’est peu de choses, mais ces petites affirmations souvent placées en début de roman m’impressionnent. L’autrice, elle-même originaire du Cameroun et ayant vécue le mariage forcé, nous fait part d’une grande partie de sa vie dans ce titre. Sans vouloir partir dans de longues complaintes, mais c’est une démarche que je trouve courageuse, surtout aux vues des événements que j’ai pu lire.
Ce seul aspect de témoignage et de documentaire donne une vraie force au roman : on se plonge sans soucis dans le récit, sans remettre en doute ce qui se passe. On ne se pose pas la question de savoir si les péripéties sont exagérées, si les personnages sont trop caricaturaux, ou si c’est trop injuste pour que ce soit réel. Même sans avoir connaissance des conditions des femmes dans ce pays, rien ne me paraissait invraisemblable.
Au niveau de l’écriture, c’est très fluide et le roman se lit très bien, même pour des lecteurs moins aguerris. En dehors de la recherche de certains termes précis et liés à la culture présente dans cette famille si l’on veut comprendre toute la subtilité du texte, il est possible de finir la lecture en une soirée, tant c’est accessible et spontanée. Simple, oui, mais pas inefficace : c’est un roman qui ne se prive pas pour parler de violence. On ne passe pas par différents chemins pour dire les choses. Les passages de tourmente et de maltraitance en sont terrifiants, et il est difficile en tant que femme de ne pas se sentir mal en les lisant. De manière globale, je peux même dire que ce roman m’a plongé dans une lecture suffocante avec cette ambiance très réussie.
Des femmes confinées dans un système sans issues
Même si le roman se concentre sur trois portraits de femmes (qui donnent leurs noms aux différentes parties du récit), il y a bien toute une palette de personnages féminins qui mise en avant. Que ce soit les filles de la famille qui sont jugées et en concurrence sans réellement le savoir, les coépouses qui subissent la polygamie malgré elles, les tantes, les mères, les sœurs, qui ne peuvent rien changer, toutes sont intéressantes. Même si elles doivent se montrer soumises et obéir aux maris, elles ne manquent pas de caractère pour autant. Certaines sont même plus caractérielles qu’on pourrait le penser. Aucunes d’elle, pourtant, ne semble plus heureuses que d’autres et pour cause, il n’y a pas de solution pour elles. Les chapitres du roman ne comporte pas réellement une vraie fin ou une conclusion pouvant boucler une histoire, car aucun secours ne peut être apporter.
C’est une histoire qui dénonce des dérives du patriarcat, évoquant notamment une polygamie où les femmes sont rivales, ennemies et mènent un combat de chaque instant pour être la favorite. L’autrice montre une vision de femme-objet qui sert juste à mettre un homme en valeur, et des relations où l’amour est inexistant. J’espère ne pas exagérer en disant qu’il y a un esclavage : corvées, violences, non-consentement, et même oubli du mot “viol” pour ces messieurs, difficile pour moi de qualifier ces vies autrement.
Même si j’ai pu être mitigé sur S’adapter, j’ai quand même été surprise de mes lectures de prix Goncourt lycéen. Charlotte, de David Foenkinos a d’ailleurs été un vrai coup de cœur ! Je pense vraiment me pencher davantage sur ces romans primés, et quelques uns de la liste me font d’ailleurs très envie !
Des Goncourt lycéen à lire :


