
Quand la vie va de plus en plus mal, quand on dégringole l’échelle sociale, quand on sombre dans le désespoir … Yozo Oba l’a vécu.
Usamaru Furuya est un mangaka recherchant des idées et de l’inspiration pour son prochain manga. Alors qu’il traîne sur divers sites, il fait la découverte d’un blog en ligne bien particulier. Ce dernier raconte l’histoire d’un certain Yozo Oba, un lycéen séduisant, venant d’une bonne famille, mais qui a finit par atteindre le fond du gouffre. C’est bien simple, à 25 ans, il est totalement méconnaissable, ressemblant presque à un vieillard. Mais qu’a-t-il pu traverser ? Un récit sombre, déstabilisant, mais si addictif, au point que le mangaka dévore cette histoire et vous une vraie curiosité à ce Yozo.
En quête de sensations tristes ? Vous êtes à la bonne porte …
Je ne vais pas tourner autour du pot, ce manga est profondément triste. Là encore, pour les âmes sensibles, mieux vaut s’abstenir car il y a des passages d’alcoolisme, de drogue et de viol. Ici, point de censures, de détournements, on va à l’essentiel, on dérange le lecteur dans son confort.
L’histoire de ce Yozo est celle d’un homme marginal, à qui tout semble sourire. Il a l’argent, il a un beau physique, mais il a surtout un mal-être profond. Il fait parti de ceux qui ne supportent pas de jouer un rôle, d’être une marionnette. C’est un personnage très perturbant, qui est à la fois vide de sentiments, de rêves et d’ambition, mais qui sait se montrer aussi antipathique, froid, et manipulateur. C’est un homme qui finit par tomber de plus en plus en bas. Ce dernier va découvrir les différentes classes sociales japonaises, entre les prostituées, les clandestins, ou les sans-abris. Alors qu’on se dit que rien ne pourrait être pire, Yozo finit par s’y trouver. Difficile de vraiment s’amuser ou de rire devant ce titre. Non seulement, on n’a pas le temps de souffler à la lecture, et même si un passage plus joyeux apparaît, on ressent la crainte d’une mauvaise nouvelle à venir. On se plait presque à détester ce héros, qui ne cherche pas à se faire aimer et qui causera bien des problèmes, mais paradoxalement, on a envie de voir jusqu’où il peut tomber



Une curiosité malsaine
Ma vie est une honte
C’est ainsi que débute le récit de Yozo Oba. Une première phrase courte, mais qui en dit long. Pour un personnage qui ne sera jamais vu comme une personne à part entière par beaucoup, c’est même un incipit très bien trouver. Cet homme qui a voulu se défaire des conventions sociales et des exigences que chacun pouvait lui porter, a choisi une voie plus libre. Comme on s’en doute, la liberté a aussi un prix, et l’insécurité, l’instabilité vont s’installer petit à petit pour Yozo. Plus que l’histoire d’un homme qui perd tout, je pense qu’on peut presque le prendre comme un récit critiquant la société dans son ensemble. Une société qui n’aide pas tous le monde, qui exclu ceux qui sont différents, et une société qui met des barrières. Je pense par exemple aux scènes où Yozo va voir des prostituées, qui ne sont jamais totalement heureuses ni totalement malheureuses, et vivant souvent cachées. Souvent, on verra des manipulations, des agissements faits par intérêts, au point qu’on peut se demander si la vie humaine n’est pas qu’une vaste mise en scène, comme le redoute Yozo. Et si tout était factice ? Il y a même une vraie mise en scène du mangaka, avec des pages très symboliques, très théâtralisé, qui en disent plus que de long discours et qui collent parfaitement au propos.
Ce manga de Furuya est une adaptation plus libre et moderne du roman du même nom de Osamu Dazai. Le mangaka confiera que son interprétation de l’œuvre reste plutôt faible. Ce dernier dira même qu’il n’a pas su retranscrire le désespoir et le pessimisme de ce roman. Une telle affirmation reste intriguante et l’on se demande vraiment comment on pourra en ressortir. En tout cas, plus qu’une histoire, ce manga a réussi à me faire vivre quelque chose. On se sent triste, déprimé, déçu, on recherche de l’espoir, mais ce qui est sûr, c’est qu’on ne reste pas de marbre à la lecture. Si comme moi, vous cherchez à être secoué, c’est une lecture que je recommande. Mais si vous vous sentez déjà mal, passez peut-être votre chemin, car c’est risqué. Pour ma part, je serais curieuse de lire l’adaptation de Junji Ito, après avoir lu le roman (même si j’ai besoin d’un peu de temps pour me remettre de ce manga…).
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